Tranches de vie

Attrape Yack et rodéo vache

Le vélo n’est pas un sport viril. Cela vient peut-être du fait qu’il muscle très mal. Cassant le dos, amaigrissant les avants bras, oubliant tout bonnement les abdominaux sans parler des pectoraux, seuls les cuisses et les mollets sont sollicités. Or a-t-on déjà vu une jeune fille s’extasiait devant des cuisses hypertrophiées ou s’exclamait sur le ton : « Tes mollets sont joliment galbés mon ami, je les trouve à croquer ». Non, le vélo dispose du rapport effort / musculation le plus ingrat au monde et quoi que nous en ayons bavé pendant six mois à travers montagnes et désert nous exhiberons au retour sur la plage de Trouville Les Bains des carcasses hâves et difformes, au dos bossus et à l’entrejambe irrité. Ainsi, un complexe s’est noué et nous avons besoin de donner régulièrement des gages de la bonne santé de notre testostérone en attrapant de jeunes yacks à main nue et en domptant des bébés vaches. Comme à notre habitude, nous vous livrons la feuille de route de cette pratique. Nous précisons que ces animaux sont relâchés et longuement caressés après bataille et que l’attrapage se fait dans la plus grande douceur qui soit. Nous respectons la bête et luttant à main nu, d’égal à égal avec elle, c’est d’un courtois « bien joué votre altesse du Yack » ou « A la prochaine très cher confrère des steppes » que nous prenons congé à la fin. Si néanmoins il venait à l’âme sublime de la cause animale Hugo Clément l’envie de se la jouer Robespierre et de dénoncer aux yeux du social monde cette pratique oppressive abominable, cela nous fera un peu de publicité et nous lui donnons feu vert. D’ailleurs nous mettons au défi ce glorieux prince des animaux de quitter le comité de salut public de Kombini pour venir tâter de ses mains blanches et délicates de citadin parisien l’encolure rêche du Yack de Mongolie. Mais nous nous égarons, revenons à nos troupeaux. Voici les sept étapes à suivre :1. Repérer un troupeau de Yack en bas âge ou de vaches aux cornes naissantes. Les steppes de Mongolie en sont régulièrement soupoudrées et on les voit de loin en innombrables taches noires, blanches et grises sur le vert de la prairie. 2. Y sélectionner l’enfant le plus hardi. Celui qui, ayant quitté le doux regard d’indifférence de ses semblables, présente une encolure ferme, le poil long et des yeux plein des flammes du bovidé révolté.3. Isoler l’heureux élu. En courant, à renfort de cris et de gestes, le faire sortir de la masse sombre et confortable de ses frères. La marmaille mongole, gesticulante et hurlante, à califourchon à même le cheval, peut prêter main forte si besoin. 4. Epuiser la bête. La joute a commencé et le brave animal se sentant traqué redoublera d’effort pour vous éviter. Sautant, piétinant, chargeant puis esquivant, il vous fera tour à tour plonger dans la poussière, vous écorcher les coude et vous casser les chevilles en essayant d’attraper la corde qui le tient. 5. L’encercler à deux ou à trois. La langue pendante, le regard fou et hagard, les échappées de monsieur commencent à faiblir. Il faut alors agir en refermant pas à pas le cercle sur la proie.6. Plonger et attraper la corde. C’est le moment critique, l’instant glorieux qui élève un homme. A plat ventre dans la steppe, la corde déchirant les mains, on se fait trainer par la puissance du noble animal. 7. Contrôler et monter. A mi chemin entre le bison et la vache, le yack, même enfant, est terriblement fort ce qui le rend réellement difficile à maitriser. Sa petite sœur la vache se prête plus au montage et après avoir ruer deux ou trois fois se soumet docilement au bon vouloir de son dompteur.