Tranches de vie

Les voitures blanches d’Asgabat

Quelle est la couleur de la voiture blanche de Turkmenbachy IV ? Blanche sans aucun doute.

Quand la boutade tourne en dictature d’état cela fait d’abord rire puis frémir.

Achgabat est la capitale blanche d’un état noir de corruption et d’incohérences. Couleur préférée du président, elle est devenue la clause numéro une du cahier des charges automobile et immobilier de la ville.

1. « Ne se construira à Achgabat que des bâtiments immenses en marbre blanc»
2. « Ne roulera à travers toute cette blanchitude uniquement des automobiles blanches »

Les conséquences sont pratiques : interdiction des voitures autres que blanche sous peine d’amende. La loi étant récente, les automobilistes ont jusqu’au prochain contrôle technique pour changer de couleur. S’ensuit un marché de la voiture noire en chute et un cours du pot de peinture blanche en hausse.

Au niveau individuel, il faut intégrer de nouvelles habitudes : laver sa voiture quotidiennement. Les amendes en cas de trace de doigt un peu trop visible amplifiées par la face occidentale du pilote sont conséquentes, ce n’est pas à prendre à la rigolade. Ainsi, au karcher, au Turkménistan, on récure sa voiture avant de sortir en ville.

Nous risquons la psychanalyse : l’or noir des hydrocarbures, sombre, sale et puant métamorphosé en un linceul de pureté blanche. Toute un état tiré vers les tréfonds des puits à gaz et à pétrole veut se la jouer petite colombe blanche. La prétention d’égaler Sion, la vraie cité blanche dans une société soviétisée, sans âme et sans dieu. L’impression du carton-pâte, creux mais superbe, de la pâte à sel, massive mais pleines de bulles d’air. Une tour de Babel certes de qualité supérieure – car française – mais dont les fondations sont ubuesques.

Le petit garçon capricieux modélise et bâtit, son imagination n’a pas de limite et il montre à Maman, fier, toutes ses belles entreprises. Seulement, un détail a été omis : «Maman, Maman où sont passés tous mes Playmobil ?».

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