Récit de voyage

En montant de la montagne

Lorsque nous quittons Kermanshah, le soleil est déjà à son zénith et illumine les bas reliefs de Bisotun. Nous empruntons sur plusieurs dizaine de kilomètres l’ancienne route impériale entre Bagdad et Hamedan. Juchés sur nos selles, nous observons les scènes de bataille taillées dans le roc. Véritable outils de propaganda, ces panneaux publicitaires d’un autre temps sont ;maintenant inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Comme les grandes caravanes royales, nous repartons de Kermanshah les sacoches remplies d’objets rares et luxueux. Parmi eux nous comptons notamment une veste en tweed du plus bel effet, arrachée à prix d’or par arif au grand bazar pour compléter sa panoplie d’objets indispensables au voyage à vélo.

Si notre caravane et les individus curieux qu’elle compte en son sein nous préservent de la monotonie des grands voyages en portant parfois vers l’incongru,  la route d’Ispahan, elle, peine à créer la surprise. Pendant 300 kilomètres, nous parcourons cette large nationale sans autre saveur que le gazole des gros camions qu’elle charrie. Petit à petit, nous nous élevons vers le haut plateau du Zayandeh traversant de larges vallées jaunes et arides. La végétation recule et les cours d’eau se tarissent. Il faut redouble d’ingéniosité pour dénicher les étroites vallées qui percent le large defile de montagne oppressant et contraignant. Ces longs couloirs verts sont de véritables oasis dans cet environnement si monotone. Parcourue par un petit torrent elles abritent quelques résidus de forêt qui survivent dans ces contrées hostiles et désertiques.

Au prix d’une longue journée de montée sur une piste rocailleuse, nous débouchons sur un plateau vallonné aux aspects lunaires. Les jeux de lumière entre le soleil couchant et quelques cumulonimbus égarés procurent créent atmosphère magique dans ces étendues vertes et désertiques parsemées de quelques yourtes de bergers Lors. Le lendemain nous allons tester la Deutsch Qualitat de nos pneus Schwalbe sur la piste défoncée qui descend du plateau. Dans des paysages grandioses et complètement perdus, nous progressons difficilement jusqu’à l’asphalte d’une route minuscule. Cette dernière s’accroche au flanc d’une falaise qui trempe ses pieds dans les eaux troubles et agitées d’un gros torrent. Il faut avoir le frein solide et la pédale habile pour parcourir cette route vertigineuse mais sublime, dernière aventure naturelle avant de retrouver la monotonie des longues montées de la nationale 62.

De Dorud a Aligudarz, les coups de pedales s’enchainent et les kilomètres défilent sous notre regard ennuyé. Quelques bons podcasts et livres audio nous tiennent éveillés et il faut attendre les foudres d’un orage apocalyptique pour nous sortir de cette torpeur. Sous des rideaux de pluie et dans le vacarme du tonnerre nous sommes poussés par un vent puissant a plus de 60 km/h.

Le lendemain, ragaillardis par les égards et la sollicitude de l’imam de notre hotel-mosquée (véritable concept dans ces contrées) nous fondons à toute allure sur Ispahan animés par le désir pressant de retrouver, l’espace d’une semaine, les délices de la vie sédentaire.